Atos : les raisons de tenter d’attraper «le couteau qu tombe» – 02/02/2023 à 15:45

Siège d'Atos (crédit photo : Atos / )

Siège d’Atos (crédit photo : Atos / )

Regarder le graphique des prix d’Atos depuis le début de l’année 2021 et, plus encore, depuis juin dernier, impose aux investisseurs en bourse l’adage de prudence : “N’essayez pas d’attraper un couteau qui tombe !”

La stratégie de croissance mise en œuvre de 2009 à 2019 sous la présidence de Thierry Breton s’est soldée par un échec. Atos a triplé de taille et est entré dans le « top 5 » du secteur. Le choix de la taille a été coûteux avec des pertes de 2,9 milliards d’euros encaissées en 2021 sous la pression de dépréciations massives d’actifs mais aussi d’une rentabilité en baisse. La marge opérationnelle (marge EBIT) a dépassé la norme de 9/10 % des années précédentes pour revenir à 3,5 %.

La croissance de l’endettement a joué un véritable effet de ciseau. Fin 2021, le capital est passé de 6,9 ​​milliards d’euros à 4,4 milliards, pour une dette nette de 1,2 milliard. Les provisions n’étaient pas inutiles : la marge opérationnelle s’est encore détériorée l’an dernier et est estimée à moins de 3 %.

Atos est un peu une stratégie de croissance classique alors que les entreprises et leur rentabilité se redressent. La Bourse a sanctionné le boom économique : la capitalisation boursière d’Atos, qui dépassait les 12 milliards d’euros en 2017-2018, est désormais à 1,3 milliard. L’action a été retirée du CAC 40 en septembre 2021.

Séparation entre les activités historiques et celles des marchés à forte croissance

Cette (més)aventure ne s’est pas déroulée sans répercussions sur la direction du groupe. Elie Girard, dauphin de Thierry Breton, a été débarqué à l’automne 2021. . En octobre dernier, le président du conseil d’administration Bertrand Meunier annonçait un plan de relance et de sortie de crise. Une scission en deux entités a été annoncée et la direction a été confirmée : activités de gestion historique, infrastructure informatique des espaces de travail et infogérance sous la dénomination sociale Atos ; les marchés en forte croissance de la transformation digitale, du Big Stata et de la cybersécurité, qui seront rebaptisés Evidian.

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Les futurs Atos et Evidian sont comparables en termes de chiffre d’affaires : 5 milliards et 5,3 milliards d’euros respectivement sont attendus cette année. Mais leurs marges, leur potentiel de croissance et leurs positionnements stratégiques sont très différents et, par conséquent, leurs valorisations et propositions d’alliances aussi.

Les deux entités qui viennent

Les marchés respectifs des deux entités (source : Atos)

Les marchés respectifs des deux entités (source : Atos)

Un plan d’évacuation indispensable à l’exploitation est fourni

La division est prévue pour le second semestre de cette année. Avant d’en arriver là, le groupe tel qu’il est doit sécuriser le financement de son fonctionnement et de sa transformation. Son besoin de financement pour la période 2022-2023 jusqu’à la séparation effective est estimé à 1,6 milliard d’euros. Noté BB par la dette Standard&Poor’s, Atos a sécurisé le plan en juillet. Un engagement a été pris de céder 700 millions d’euros d’actifs dits dilutifs sur les marges ou activités ne relevant pas des futures spécialités des deux entités.

La réalisation de la condition est essentielle pour les opérations futures. Depuis juillet dernier, la participation résiduelle dans Worldline et la filiale Atos Italie a été réalisée pour un montant de 460 millions d’euros. Atos a annoncé la semaine dernière être entré en négociations exclusives avec le groupe canadien Mitrel Networks pour vendre des solutions de communications unifiées et des activités de « services collaboratifs » dans le cloud. Unify (Unified Communications & Collaboration) pèse 550 millions de chiffre d’affaires avec des marges inférieures à celles du groupe pour de nombreux métiers concurrents.

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Le facteur clé est la valorisation des technologies et celle d’Evidian qui en dépend

Le plan de désinvestissement exécuté reste à voir si le pari futur des deux entités doit être pris sur la base de cours boursiers aussi déprimés.

En effet, ce ne sont pas les résultats de 2022 et non les perspectives 2023 pour l’ensemble qui peuvent faire l’objet d’un pari en Bourse. Le regroupement des activités des deux futures entités a généré l’an dernier des pertes et sera cette année encore dans le rouge, pour un total de près de 800 millions d’euros Sans aucun doute, la conjoncture économique n’est pas favorable aux activités du groupe et surtout, l’environnement financier peut remettre en cause le montage financier . Les actionnaires d’Atos doivent obtenir 70% d’Evidian, les 30% restants revenant à Atos afin que leur vente puisse financer ses durs programmes de restructuration.

Un décalage – qui résulterait davantage de la valorisation des actions technologiques que de la performance de l’entreprise – aurait des conséquences en cascade : distribuer moins de 30 % d’Evidian aux actionnaires actuels, pour que le nouvel Atos conserve ses pouvoirs de restructuration.

De fortes ambitions commerciales et de marge pour 2026

La double spéculation fera partie de la forte volatilité

Le gage du « couteau qui tombe » est là ; les multiples qui valoriseront Evidian et surtout les 30% attendus pour le nouvel Atos dans l’action de cet été sont le principal aspect de la spéculation. Dans ce contexte, les données stratégiques s’appliqueront. Les positions d’Evidian et les prévisions de croissance et de taux de marge ont déjà conduit Airbus, mais aussi des acteurs plus petits comme SSII Onepoint ou Astek à manifester leur intérêt.

La valorisation au moment de l’opération aura un double effet sur le pari Atos pris aujourd’hui. Les estimations des analystes financiers se situent dans une fourchette très large de 7 à 17 euros, ce qui se justifie par l’appréciation très délicate des risques.

Il est tentant de prendre ce risque en acceptant une forte volatilité – y compris en raison d’éventuels contentieux fiscaux. La forte reprise du cours de l’action depuis le début de l’année, portée par les tendances de marché et l’intérêt d’Airbus pour Evidian, ne devrait pas inquiéter. D’autres vagues de spéculation seront enregistrées, et des rendements possibles sous les 11 euros sont attendus (pour un peu plus de 12 euros aujourd’hui).

Le pari est double ou triple spéculatif, mais vaut toujours la peine d’être pris à des fins de gestion active. L’annonce fin février des résultats 2022 ne devrait pas bouleverser la situation boursière d’Atos.

Hubert Tassin, pour avoir dirigé Gaspal

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