
Le tribunal de commerce de Paris a statué. Le 18 juillet 2022, l’épicerie fine Maison Plisson a été rachetée par le groupe Bertrand, numéro deux de la restauration en France, propriétaire des enseignes Burger King, Léon de Bruxelles et salons de thé Angelina… un mastodonte de 350 000 salariés et 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires.
Le groupe a tout de même décidé d’associer le fondateur de l’épicerie fine à ce rachat. Avec l’autorisation du sous-procureur général, Delphine Plisson devient ainsi actionnaire à hauteur de 13% du capital social de la nouvelle entité juridique de Maison Plisson, MPB.
“Un cas rare”, précise Astrid Zurli, avocate associée chez Hogan Lovells. En cas de reprise du bien après liquidation judiciaire, l’acquéreur crée une nouvelle structure juridique. C’est à ce moment que les anciens dirigeants actionnaires, en accord avec les nouveaux, peuvent réintégrer le conseil. A condition d’avoir obtenu l’autorisation du procureur de la République et qu’aucune interdiction de gestion n’ait été prononcée.
Possible, mais sous conditions
La démarche n’est pas aisée : il faut se référer à l’article L642-3 du Code de commerce qui prévoit que « le tribunal, à la requête du ministère public, peut autoriser le transfert d’une des personnes concernées [les dirigeants de l’entreprise en procédure collective, NDLR] par un jugement spécialement motivé, après avoir demandé l’avis des responsables du traitement. »
En règle générale, les anciens dirigeants sont empêchés de racheter leur entreprise en faillite. “La genèse de l’article est d’empêcher un dirigeant qui était à la tête d’une société en liquidation administrative ou judiciaire, de reprendre une société sans payer les créanciers”, contextualise l’avocate Astrid Zurli.
Motivez votre demande
Un ancien dirigeant qui souhaite reprendre ou être associé à un dossier d’OPA doit solliciter directement ou indirectement une autorisation expresse du tribunal, qu’il devienne actionnaire minoritaire ou majoritaire. Il n’y a pas de limite au nombre d’actions qu’un entrepreneur peut détenir.
Cette demande peut également être faite conjointement avec le repreneur potentiel, si ce dernier souhaite accompagner l’ancien chef d’entreprise dans la création de la nouvelle structure. Les raisons de l’association doivent être indiquées dans la demande. Il doit être déposé auprès du procureur chargé du dossier qui en fera la demande auprès du tribunal de commerce. Ensuite, les juges autoriseront ou refuseront la participation.
Le cas particulier du salarié
“Les décisions sont prises au cas par cas”, souligne Astrid Zurli. Le tribunal juge selon trois critères : l’impact du prix de vente sur le désintérêt des créanciers, la protection de l’emploi sur le territoire et la viabilité de l’entreprise. Ces deux derniers critères sont souvent pris en compte”, précise l’avocat. Le premier critère demeure essentiel car l’offre de vente doit comporter le remboursement des dettes pour satisfaire le créancier.
Une fois ces critères remplis, le tribunal peut autoriser l’ancien syndic à faire partie de la nouvelle forme juridique. Il y a un cas un peu différent. Par exemple, lorsque le candidat acquéreur souhaite recruter l’ancien dirigeant comme salarié, sans lui céder d’actions. Dans ce cas, il n’y a pas besoin d’agrément car il ne participe pas au capital de la structure nouvellement créée.
Mais “ce schéma n’est pas anodin et nécessite une transparence totale vis-à-vis du tribunal, qui devrait disposer d’informations sur le capital et la gestion de l’entreprise”, prévient l’avocat. Ainsi, elle recommande « ainsi que pour les participations au capital, de saisir le ministère public pour demander l’autorisation expresse du tribunal. »